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Conte de Toussaint pour effacer Halloween

Cette année-là, l’hiver est précoce. Avant-hier, les enfants avaient ramassé les dernières citrouilles dans le jardin. Grand-mère en ferait un excellent dessert, un gratin sucré ! Ils vont se régaler ce soir ! Au petit matin du 31 octobre, une légère couche de neige recouvre les toits des maisons, et les arbres du grand parc se regardent tout étonnés dans leur nouveau manteau d’hiver.

Nous sommes prêts ! crie Elisa. On arrive !

Elle dévale l’escalier, glissant  à toute vitesse, depuis le troisième étage, sur la rampe. Les virages la font bien un peu freiner, mais son frère Pascal lui redonne un bon élan, en arrivant derrière elle ; et après eux descend Emmanuel, puis Jeanne-Marie. L’atterrissage se fait en douceur, par un petit bond, et bientôt tout le monde est réuni pour le départ.

L’ambiance est joyeuse. Il faut d’abord traverser le parc. Les garçons se trouvent déjà au pied d’un bouleau argenté, encore plus brillant avec la neige sur ses branches.  Il suffit de secouer un peu… « Les cousines, regardez là-haut, un rouge-gorge est  posé sur la branche »… Et flop, les cousines sont bien attrapées !

Voilà le tram ! On s’engouffre, il y fait chaud, les enfants dessinent des ronds et des bonshommes sur la buée des vitres.

Petite Jeanne-Marie pourra appuyer sur le bouton de la sonnette, car voici déjà l’arrêt de la Place des Fleurs.

Le marché est magnifique aujourd’hui : des centaines de pots de chrysanthèmes sont présentés par taille, par couleur, ou tous mélangés.

Vous en prendrez chacun un pot, leur dit grand-mère. Les enfants se glissent entre les rangées pour choisir. Jeanne-Marie a choisi le sien : les fleurs jaunes, jaunes comme des tournesols. Elisa et grand-mère aiment le blanc. Elles ont trouvé un grand pied de chrysanthèmes tout blanc, même le cœur est blanc. Moi, dit Pascal,  j’aime bien l’orange, je choisis celui-ci. Un joli pot de fleurs ocre, comme le sable du Yémen. 

Emmanuel, tu n’as pas encore choisi, dit grand-mère. Mais où est-il ? Et grand-père ?

Ils sont là-bas ! Je les vois au loin, à côté du kiosque, allons les rejoindre ! Ils ont déjà leur pot de fleurs ! Celui d’Emmanuel a plein de couleurs !

Grand-mère et les enfants se frayent un chemin vers l’autre bout de la place des Fleurs. Il y a de plus en plus de monde. Depuis le kiosque, un petit orchestre d’instruments à vent a entonné le premier mouvement de la « Pathétique ». Graves et mélancoliques notes qu’Emmanuel aime tant. A la fin de l’année, il aura douze ans, et il donnera son premier récital au piano. Il jouera la « Pathétique » de Beethoven.

Ne serait-ce pas le moment d’aller prendre une boisson chaude ? Je vous emmène au Grand Renard, dit grand-père. Un chocolat chaud pour chacun, et  une gaufre à la cassonade !

Un parfum de fleurs envahit le tram du retour, lorsque les enfants et leurs grands-parents s’installent sur les sièges. Maintenant, il va falloir se préparer pour ce soir. Car, le travail de la journée n’est pas terminé.

Sur la table de la salle à manger, les quatre petits costumes sont prêts. Grand-mère, grande couturière, a bien travaillé. Les cousines sont ravissantes dans leur costume russe. Un peu de fourrure jaune autour des bottines de Jeanne-Marie, une toque et des moufles assorties. Elisa a posé un béret tout blanc sur ses cheveux ondulés. Les garçons portent de longues capes. Grand-père a préparé un calepin et un crayon doré pour chacun.

A ce soir, les enfants !

Il fait froid, mais les enfants sont décidés.

Nous commencerons en bas de la rue, et nous remonterons ainsi jusqu’à l’église, dit Pascal.

Emmanuel a déjà sonné à la première maison. Et ils entonnent leur chanson. Une chanson à quatre voix, quatre voix enfantines qui résonnent comme de petites cloches.

« Donnez-nous les noms, les noms de vos aimés, les noms de vos amis,

Nous les noterons, les noms de vos amis, les noms de vos aimés.

Et nous prierons, nous prierons pour eux, pour vous, car

demain, jour de la Toussaint, le ciel sera rempli de chants.

Ils seront tous réunis, vos aimés et vos amis.

Tous réunis, ils sont déjà choisis, et heureux.

Le ciel leur sera ouvert par nos prières. »

Et les petites mains griffonnent, notent, écrivent tous ces noms donnés par les gens surpris et ravis. Ainsi vont-ils de maison en maison, de rue en rue, jusqu’à l’église.

Le soir, les enfants ont déposé sur l’autel leur cahier rempli de prénoms.

Les Saints et les âmes du ciel sont réunis à présent, une grande assemblée chante la Gloire de Dieu.

Emmanuel, Elisa, Jeanne-Marie, Pascal. Ils sont là-haut, et regardent avec joie le travail des enfants sur la terre, tous les ans, les derniers jours d’Octobre.

Petite note :

Ces enfants ont réellement vécu, je les ai connus. Je les ai réunis dans ce conte.
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